Rencontre inter-convictionnelle Coexister Bordeaux à Dhagpo Bordeaux

Soirée du 14 mai 2017

À l’initiative de l’association Coexister Bordeaux, Dhagpo Bordeaux a accueilli une soirée d’échange inter-convictionnelle pour partager des paroles qui guident nos vies…

La richesse du partage

Nous avons proposé à qui le voulait de venir avec un texte de sa tradition – un poème, une prière, un extrait d’un livre… – qui lui tient à cœur, l’inspire et/ou le pousse à plus de solidarité. Chacun pouvait également venir sans texte, simplement pour écouter ceux des autres participants, afin d’apprendre sur les différentes convictions et visions du monde. Il a été demandé que chaque lecture n’excède pas trois minutes pour permettre à un maximum de personnes de partager leur texte dans le temps imparti.

Une soirée en trois actes

  • Après une courte introduction de lama Puntso, les textes ont été lus et entrecoupés d’un court temps de silence pour laisser chacun « méditer » ou réfléchir sur ces paroles.
  • Une deuxième partie a pris la forme d’un échange de l’expérience vécue : le propos n’était pas d’exercer un jugement de valeur sur les textes, mais plutôt de partager son ressenti (voir ci-dessous).
  • Afin que ce temps de partage puisse se poursuivre au-delà des mots, nous avons prévu une discussion sur l’organisation d’une action commune de solidarité à Bordeaux avec Coexister et la participation de Dhagpo. Nous avons choisi une maraude en lien avec l’association Karavan bordelaise.

Introduction de lama Puntso

La communauté de Dhagpo Bordeaux est heureuse d’accueillir cette rencontre, car elle augure de nombreuses autres.  En effet, la démarche interconvictionnelle  est un des axes de notre projet associatif.

Ce qui se passe ce soir est plus vaste que les murs de cette pièce. Quand des pratiquants de différentes convictions se rassemblent pour partager ce qui guide leurs vies, cela nourrit de fait le lien social et enrichit le regard de chacun sur l’autre. Et ce regard perdure après la rencontre.

Comme l’explique Samuel Grzybowski, le fondateur de Coexister, dans son Manifeste pour une coexistence active, il n’y a pas de lien sans différence. Il explique que la différence est systématiquement introduite par un ensemble de mots négatifs : « malgré la différence », « en dépit de la différence», « au-delà de la différence », etc. Elle est soit subie, soit contournée, soit surmontée. On entend notamment cette phrase : « ne cherchant pas ce qui nous différencie, mais plutôt ce qui nous rassemble.» Samuel pose ensuite cette question, à mon sens crucial dans l’échange interconvictionnel : « En quoi ce qui différencie ne pourrait pas rassembler ? »

C’est cette promesse d’enrichissement mutuel fondé sur nos différences qui nous rassemble ce soir. De plus, nous n’allons pas être dans un discours explicatif, mais dans le partage des textes qui nous tiennent à cœur, nous inspirent ou nous poussent à plus de solidarité. Et enfin, au-delà des paroles qui irriguent, nous déciderons ce soir d’une action à accomplir ensemble qui témoignera de cette rencontre ; ceci pour que l’interconvictionnel ne se limite pas à des mots, mais également se décline concrètement dans le monde.

L’échange sur l’expérience vécue

Il est difficile de rendre compte avec précision des échanges partagés. Nous pouvons en dire que la teneur des paroles oscillait entre joie, profondeur et étonnement. En vrac, quelques sentiments exprimés :

” J’étais curieux de ce qui allait être lu” … ”Ces lectures m’ont permis d’aller au-delà des apparences et de mes attachements” … ”Ça fait du bien”… ” J’essayais de voir l’essence de ce que chacun disait” …” J’ai ressenti une grande richesse” … ”Je n’ai pas réussi à tout  capter” … ”Je me rends compte que je manque de souplesse” … ”Je me suis juste agrippée à quelques mots” …  ”C’est par la répétition que l’on apprend” … ”Je cherche spontanément ce qu’il y a de pareil et de différent” …  ”À l’écoute, je ressens le besoin de me confirmer” …  ” Je reviens à la phrase ne juge pas car tu seras vain et vaniteux” … ” Je ressens une recherche de clarté et de luminosité” …  ”J’ai écouté les textes comme des chants, comme quand je lis de la poésie” …  ”Ça a parlé à un autre niveau de l’être” … ”C’est rassurant, chaleureux et bienveillant” … ”Cela me pose une question : comment aborder la part d’inconnu de ce qui est lu” …  ”Unité dans les messages avec un accent mis sur un aspect ou un autre, un vocabulaire spécifique, mais le sentiment de parler de quelque chose de connu est présent.”

Lazhar, Thibaut, Tayeb, Roselyne, Ludovic, Nicole,
Cécile, Marie, Michèle, Angie, Véronique, Puntso.

Les textes partagés

Texte de la tradition bahaï lu par Thibault

Ô mon Dieu, ô mon Dieu, en vérité, je t’invoque et te supplie devant ton seuil, te demandant de faire pleuvoir toutes tes bénédictions sur ces âmes. Désigne-les spécialement pour recevoir tes faveurs et ta vérité.
Ô Seigneur, unis et relie-les cœurs, établis la concorde entre toutes les âmes et réjouis les esprits par les signes de ta sainteté et de ton unité.
Ô Seigneur, fais rayonner ces visages par la lumière de ton unité. Fortifie les reins de tes serviteurs au service de ton royaume.
Ô Seigneur, toi, le possesseur d’infinie miséricorde, ô Seigneur de grâce et de rémission, pardonne-nous nos péchés et nos défauts, et dirige-nous vers le royaume de ta clémence, invoquant le règne du pouvoir et de la puissance, humbles devant ton sanctuaire et soumis devant la gloire de tes preuves.
Ô Seigneur Dieu, rends-nous semblables aux vagues de la mer, aux fleurs du jardin, unies et en accord par la grâce de ton amour. Ô Seigneur, réjouis les cœurs par les signes de ton unité et rends les hommes semblables à des étoiles resplendissant des mêmes sommets de gloire, à des fruits de choix mûrissant sur l’arbre de vie.

En vérité, tu es le Tout-Puissant, l’Absolu, le Généreux, l’Indulgent, le Magnanime, l’Omniscient, l’unique Créateur !
‘Abdu’l-Bahá

Ô fils de l’esprit ! Voici mon premier conseil : aie le cœur pur, bienveillant, rayonnant, afin que soit tienne une souveraineté ancienne, impérissable, éternelle.
Bahá’u’lláh

Textes soufis lus par Lazhar

Tu es libre de ce dont tu te détaches.
S’attacher à quelque chose et le convoiter lie le cœur. Mais s’en détacher libère le cœur. L’amour et la convoitise des beautés de ce monde est ainsi la cause de l’attachement du cœur qui le voile.
Cela engendre un comportement de bassesse. La personne cherche par tous les moyens à s’approprier les biens que son cœur convoite. Elle devient ainsi attachée aux créatures.
À l’opposé, quand le cœur se détache de ce bas monde et de ses richesses, et aspire à plus haut, cela constitue pour lui une source de liberté, de fierté et d’ouverture vers son créateur.
Celui qui emploie sa volonté et son énergie, et attache son aspiration au Roi des rois, Dieu soumet les créatures à son service et à ses ordres.
Ainsi, le cœur de l’homme est avec les créatures et sous leur emprise tant qu’il ne contemple pas son créateur. En revanche, si le cœur est avec Dieu, les créatures sont à son service. Celui qui est le serviteur aimant de Dieu est libéré de toute autre chose.

L’homme est donc l’esclave de ce qu’il convoite. Convoiter quelque chose entraîne son amour et la soumission à ses ordres et désirs, car l’amour aveugle comme dit le proverbe.
Un soufi a dit : « L’homme est ignorant. Son seigneur veut qu’il soit un roi mais l’homme veut demeurer esclave. Son seigneur veut qu’il soit libre mais l’homme veut rester attaché. Son seigneur a créé pour lui le monde et l’a mis à son service, mais l’homme se met au service de ce monde. »
La cause de l’attachement aux créatures est l’illusion. L’homme pense que les créatures peuvent lui nuire, lui apporter du bien, lui donner ou le priver. Cela le pousse à la convoitise et la soumission.
En revanche, celui dont le cœur est attaché à Dieu sait que c’est à Lui que tout revient. Il sait que chaque créature est incapable d’apporter du bien à elle, alors qu’en serait-il pour les autres ?
Celui qui a la certitude, son aspiration est orientée vers Dieu, seul créateur de toute chose.

Selon Ibn Ajiba, ce qui empêche le cœur de se tourner vers Dieu, ce sont les liens et les attachements à autre chose que le créateur. Chaque fois que les cœurs veulent cheminer vers Dieu, les liens terrestres les attirent comme un aimant. C’est l’exemple d’une personne qui est attachée avec une corde et qui veut avancer mais sans résultat.
Un autre soufi a dit : « Ne pense pas accéder à la présence divine et quelque chose derrière te tire ou t’attire. »
L’arrivée est donc inhérente à la pureté du cœur, un cœur sain et détaché de l’amour de toute chose sauf son seigneur.

L’illusion engendre la convoitise qui domine le cœur et pousse la personne à se rapprocher de ceux qu’elle aime pour le bien qu’elle espère de leur part, et à ignorer ceux dont elle n’espère pas grand-chose. Par là même, elle oublie d’aimer le seul Donateur qui est Dieu. D’autres encore, l’illusion les a poussés à s’attacher aux lumières divines. Mais ils se sont contentés de cela sans chercher à avancer.
Quant aux gens de Dieu, ils ont déchiré le voile de l’illusion et ont ainsi reçu de leur seigneur la science et la compréhension. Leur liberté est dans leur scrupule parce qu’ils sont sincères dans leur servitude à Dieu. Abou Abbas Mursi a dit : Je jure que je n’ai vu la fierté que dans l’aspiration vers le créateur au lieu des créatures. Si la convoitise entraine la bassesse, c’est parce que la personne laisse un seigneur Fier et Majestueux pour s’attacher à un esclave très bas. Elle laisse Le Riche et Généreux pour s’attacher à une créature pauvre et démunie.

Yahya Ibn Muad a dit :
« Le scrupule est de deux sortes :
– Celui de l’extérieur, c’est de n’œuvrer que pour Allah ;
– Celui de l’intérieur, c’est de ne laisser entrer dans le cœur qu’Allah. »

Enfin, on peut citer l’histoire d’un homme qui cherchait un guide. Sa persévérance dans sa recherche l’a poussé à une ruse pour le trouver : il prit une somme d’argent pour la distribuer aux pauvres.
Chaque fois qu’il donnait une aumône, il disait à la personne : « Prends pas pour toi ». Toutes les personnes prenaient l’argent sans lui répondre, comme il s’y attendait. Un jour, il répéta les mêmes mots à un pauvre mendiant : « Prends pas pour toi ». Ce dernier lui répondit : « Je ne le prends pas de toi ». C’est ainsi qu’il trouva le guide recherché.
Les saints ont atteint un tel degré de scrupule que toutes leurs actions sont faites par Dieu, pour Dieu et pour Sa Face. À chaque instant, ils sont avec Dieu.
Celui qui est en leur compagnie, son cœur ne s’attachera qu’à son seigneur et goûtera la vraie liberté, la vraie fierté dans sa servitude à Dieu.

Texte bouddhiste lu par Véronique

Le bonheur ne se trouve pas avec effort et volonté,
Mais réside là, tout proche,
Dans la détente et l’abandon,
Ne soit pas inquiet, il n’y a rien à faire.
Tout ce qui s’élève dans l’esprit n’a aucune importance.
Parce que dépourvu de toute réalité.
Ne t’attache pas aux pensées, ne les juge pas.
Laisse le jeu de l’esprit se faire tout seul,
S’élever et retomber,
Sans intervenir.
Tout s’évanouit et recommence à nouveau, sans cesse.
Cette quête même du bonheur est ce qui t’empêche de le trouver.
Comme un arc-en-ciel qu’on poursuit sans jamais le rattraper.
Parce qu’il n’existe pas, parce qu’il a toujours été là,
Et parce qu’il t’accompagne à chaque instant.
Ne crois pas à la réalité des choses bonnes ou mauvaises,
Elles sont semblables aux arcs-en-ciel.
À vouloir saisir l’insaisissable, on s’épuise en vain.
Dès lors qu’on relâche cette saisie, l’espace est là,
Ouvert, hospitalier et confortable.
Alors jouis-en.
Ne cherche plus.
Tout est déjà tien.
À quoi bon aller traquer dans la jungle inextricable,
L’éléphant qui demeure tranquillement chez lui.
Cesse de faire.
Cesse de forcer.
Cesse de vouloir.
Et tout se trouvera accompli,
Naturellement.

(Chant spontané de Guendun Rinpoché)

Texte chrétien lu par Cécile

Desiderata
Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte, et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence.
Sans aliénation, vivez autant que possible en bons termes avec toutes personnes.
Dites doucement et clairement votre vérité; et écoutez les autres, même le simple d’esprit et l’ignorant; ils ont aussi leur histoire.

Évitez les individus bruyants et agressifs, ils sont une vexation pour l’esprit.
Ne vous comparez avec personne : vous risquez de devenir vain ou vaniteux.
Il y a toujours plus grands et plus petits que vous.
Jouissez de vos projets aussi bien que de vos accomplissements.
Soyez toujours intéressés à votre carrière, si modeste soit-elle; c’est une véritable possession dans les prospérités changeantes du temps.
Soyez prudents dans vos affaires; car le monde est plein de fourberies.
Mais ne soyez pas aveugle en ce qui concerne la vertu qui existe; plusieurs individus recherchent les grands idéaux; et partout la vie est remplie d’héroïsme.

Soyez vous-même. Surtout n’affectez pas l’amitié.
Non plus ne soyez cynique en amour, car il est, en face de toute stérilité et de tout désenchantement, aussi éternel que l’herbe.
Prenez avec bonté le conseil des années, en renonçant avec grâce à votre jeunesse.
Fortifiez une puissance d’esprit pour vous protéger en cas de malheur soudain.
Mais ne vous chagrinez pas avec vos chimères.
De nombreuses peurs naissent de la fatigue et de la solitude.
Au-delà d’une discipline saine, soyez doux avec vous-même.

Vous êtes un enfant de l’univers, pas moins que les arbres et les étoiles; vous avez le droit d’être ici.
Et qu’il vous soit clair ou non, l’univers se déroule sans doute comme il le devrait.
Soyez en paix avec Dieu, quelle que soit votre conception de lui, et quels que soient vos travaux et vos rêves,
gardez dans le désarroi bruyant de la vie, la paix dans votre âme.
Avec toutes ses perfidies, ses besognes fastidieuses et ses rêves brisés, le monde est pourtant beau.
Prenez attention.
Tâchez d’être heureux.

(Texte trouvé dans une vieille église de Baltimore, en 1692 )

Texte bouddhiste lu par Ludovic

Toutes les situations et circonstances que nous rencontrons aujourd’hui résultent de causes que nous avons créées. La plupart du temps, nous pensons être victimes de ce qui nous arrive. Nous nous demandons toujours pourquoi nous rencontrons telle difficulté ou telle condition. La prémisse des causes et des effets est simple : chaque pensée produit un résultat, qu’elle soit traduite en acte ou pas. Nous ne sommes pourtant pas conscients que nos pensées négatives résultent en effets néfastes. Le karma provient de notre esprit, de nos paroles et de nos actes. Nous pensons souvent que seules nos actions engendrent des résultats.

Cependant, si nous n’avions pas une pensée en premier lieu, aucune parole ne serait prononcée ni aucun acte accompli ! Parfois nos actions n’engendrent aucun résultat immédiat, d’autre fois en revanche elles ont un fort impact, mais, dans les deux cas, du karma est créé, que nos actes portent ou non leurs fruits instantanément.

Selon le point de vue bouddhique, le karma peut être neutre, bénéfique ou néfaste, en fonction de notre intention d’origine. Il s’agit, qui plus est, d’un processus infaillible, une vérité qui constitue une bonne raison d’être attentif à nos pensées et à nos motivations.

(Lama Jigmé Rinpoché – Un chemin de sagesse)