La clarté de l’instant
Jigmé Rinpoché
L’esprit n’arrête pas de fonctionner sous prétexte qu’on médite. Les pensées continuent à s’élever. Si nous ne prenons pas conscience de leur simple mouvement, en s’élevant et s’enchaînant elles vont faire obstacle à notre perception de la clarté. C’est la distraction. La méditation est alors interrompue. Par contre, quand l’émergence d’une pensée est clairement perçue, nous voyons que la pensée ne dure pas très longtemps, qu’elle se dissout et qu’une nouvelle pensée apparaît immédiatement. Celle-ci se dissout à son tour. Si nous sommes conscients, nous voyons que cela ne dure jamais. Il ne s’agit pas de compter ou de chercher les pensées. Il s’agit juste d’être conscient de leur mouvement. Méditer, c’est voir clairement le fonctionnement de son esprit, sans intervenir.
Assis au bord d’un torrent, nous pouvons suivre des yeux le courant qui s’éloigne, ou bien fixer un point où l’eau arrive, passe et s’en va sans cesse. Le mouvement de l’eau est ininterrompu et, à l’endroit où notre regard se porte, l’eau apparaît et disparaît immédiatement. L’esprit fonctionne de même : les pensées émergent et disparaissent continuellement. Méditer, ce n’est pas non plus se fixer sur ce processus, c’est être conscient du fonctionnement de l’esprit.
Procédant ainsi, nous pourrons découvrir en l’esprit une grande clarté. Cela nous conduira à réaliser ce qu’est notre esprit. Mais si nous avons des attentes, il sera difficile d’obtenir cette réalisation. Par contre, si nous sommes simplement conscients de la situation, de ce qui est, avec l’habitude, spontanément, la clarté de l’esprit se révélera, parce qu’elle est déjà présente. Il est inutile de la guetter et d’espérer pouvoir la saisir.