La base, le chemin et le fruit

Nous allons étudier les raisons qui nous incitent à choisir le chemin du Dharma, la transformation bénéfique qu’il nous apporte et le résultat que nous pouvons en obtenir. Traditionnellement nous employons les termes de base, de chemin et de fruit.

Lama Wally

La base

Tous les êtres recèlent la nature éveillée de l’esprit : ceci est la base. Cette nature de bouddha est pure conscience. Elle peut être décrite comme étant vide, vacuité, comme l’espace mais elle est néanmoins connaissante. Elle constitue le fondement de chaque être et est, en essence, non duelle. Cependant, nous ne la reconnaissons pas comme telle. Cet esprit est recouvert par des voiles, des obscurcissements, qui induisent un fonctionnement dualiste entre un sujet et des objets extérieurs.

Nous considérons que nous sommes différents et séparés des autres. Plutôt que d’expérimenter la conscience primordiale fondamentalement pure, nous expérimentons la solidité d’un « soi », d’un « je », d’une personne, en un mot d’un ego. Tout ce que nous vivons, la manifestation de cette nature fondamentale, va alors confirmer l’expérience de l’ego. Du fait de ce dysfonctionnement, de cette séparation, un processus en trois mouvements se met en place : celui de l’attachement, de l’aversion et de l’indifférence.

S’attacher signifie s’approprier ce qui nous semble bénéfique pour nous-mêmes. Par la colère, l’aversion, nous rejetons au loin ce qui nous déplaît. L’un et l’autre de ces mouvements d’humeur engendrent la souffrance. D’autre part, nous restons sans réaction, indifférents à ce qui ne nous rapporte rien ou ne nous gêne pas. La conscience présente, fondamentale et pure, est recouverte par les voiles de nos tendances et celles-ci s’élèvent à cause de l’identification et de l’attachement à nos pensées et à nos émotions.

Si nous ne reconnaissons pas la nature vide et transparente de la pensée, immédiatement nous en faisons une expérience solide, concrète. Dès l’instant où nous n’avons pas conscience de la dimension transparente et fluide des pensées, la confusion s’établit. Les habitudes d’attachement, d’aversion et d’indifférence n’ont pas simplement un effet immédiat, elles se traduisent en terme de karma, c’est-à-dire en actions qui mûriront beaucoup plus tard sous forme d’expériences.

Cela se traduit en terme de cycle, le cycle des existences, dans lequel différents états de confusion se succèdent. Ne reconnaissant pas notre nature fondamentale, recouverte et voilée, la question se pose de savoir ce que nous allons faire pour sortir de la souffrance. Cette interrogation fait naître l’idée de la nécessité d’un chemin à parcourir. Si nous reconnaissions simplement ce que nous sommes fondamentalement, l’idée d’un chemin n’aurait même pas lieu d’être. Comme ce n’est pas le cas, cette idée s’impose à nous.

Le chemin

Le sens du chemin est de dissiper les différents voiles afin de reconnaître notre nature fondamentale. Toute personne qui souhaite parcourir ce chemin doit commencer par abandonner les dix actions négatives qui concernent l’attitude du corps, de la parole et de l’esprit. L’attachement à nos différentes tendances nous confirme dans notre sentiment d’être une entité solide et séparée. Evidemment, si nous ne faisons rien pour changer, nous fonctionnons en « pilotage automatique » car nous répétons des actions egocentrées et négatives naturellement et sans aucun effort.

Au début, nous devons investir de l’énergie dans un effort continu pour nous détourner et contrecarrer toutes les actions négatives motivées par la saisie égoïste. Si nous ne réagissons pas, nous continuons simplement à agir négativement. Donc, accomplissons volontairement toutes les actions positives possibles et abandonnons nos tendances négatives. Cette double pratique concerne chacun d’entre nous, elle n’est pas réservée aux débutants. Plus nous avançons sur le chemin, plus ces pratiques s’accomplissent naturellement.Un autre aspect de la pratique qui concerne tout le monde et auquel il nous faut nous entraîner, consiste à considérer les autres, prendre en compte leur existence et cesser de nous intéresser seulement à nous-mêmes. Dans notre tradition, cela correspond à la génération de la bodhicitta, c’est-à-dire l’esprit d’éveil.

Les pratiques préliminaires sont un moyen particulièrement puissant pour purifier nos voiles. Si nous ne comprenons pas le sens de ces pratiques et leurs véritables enjeux, il y aura peu de résultats. Par contre, si nous en prenons conscience, elles seront profondes et nous permettront réellement de purifier nos voiles.

Il est nécessaire de percevoir quels sont les processus en jeu dans le fonctionnement de l’esprit. Pour cela il nous faut pratiquer chiné et lhaktong, la pacification de l’esprit et la vision pénétrante. Nous sommes débordés par toutes les pensées qui jaillissent constamment et nous ne sommes pas pleinement conscients des situations que nous vivons. Ces pratiques proposent une véritable investigation de l’esprit pour aboutir à une vision directe de sa nature. La première étape est la pacification de l’esprit, l’entraînement à l’attention consciente. Nous découvrons que les pensées ne sont pas des choses solides, matérielles ou concrètes; plus nous méditons, plus nous sommes conscients de leur transparence. Nous ressentons un sentiment de liberté car nous saisissons moins les pensées, nous sommes moins dépendants d’elles, nous les laissons plus aisément se dissiper.

L’étape suivante consiste à approfondir cette vision des pensées et à essayer de reconnaître leur véritable nature. Par cette reconnaissance, l’illusion est complètement dissipée. C’est ainsi que nous découvrons notre liberté naturelle. Tant que nous serons trompés par les pensées, tant que nous les prendrons pour quelque chose de solide, de réellement existant, le corps et la parole vont agir en fonction de ces pensées comme des serviteurs. En découvrant leur nature fondamentale nous nous libérons, nous n’agissons plus sous leur impulsion et c’est la fin du cycle.

Le fruit

Le troisième aspect est le résultat, le fruit. Le fruit d’une telle pratique est la reconnaissance de l’état naturel de l’esprit, la conscience fondamentale. Il s’agit non seulement de la reconnaître mais aussi de s’établir en elle de manière définitive. Certains fruits de la pratique apparaissent dans la méditation mais ce sont des fruits relatifs qui se dissipent d’eux-mêmes.