
Instructions de méditation
issues de divers enseignements de Jigmé Rinpoché
Attention et vigilance
Lorsque nous méditons, nous ne tentons nullement de nous concentrer au sens ordinaire du terme, ni d’atteindre un état particulier, ni de percevoir quelque chose de spécial. Simplement, l’esprit demeure dans une présence vive et consciente. Nous distinguons clairement tout ce qui se produit à l’intérieur comme à l’extérieur mais sans perdre le fil de la méditation, nous gardons cette présence consciente.
Toutefois, la maintenir requiert un apprentissage, un certain entraînement. En effet, nous ne sommes pas habitués à être réellement au fait du fonctionnement de notre esprit et de nos réactions à l’environnement. Nous allons nous apercevoir qu’au bout de quelques minutes, parfois quelques secondes, nous nous laissons emporter. Revenir encore et encore à cette attention consciente, c’est cela méditer. C’est la mise en œuvre de la vigilance et du rappel qui permet de ne pas nous perdre.
Lorsque nous méditons, nous ne tentons pas d’analyser ce qui se passe. Quand une pensée s’élève dans l’esprit, si nous ne la saisissons pas, elle se dissout et se résorbe d’elle-même à l’image des flocons de neige tombant sur une pierre chaude. Nous restons simplement conscients, présents, alertes.
Pour nous aider, nous allons poser l’esprit sur un support. On va tout simplement continuer à rester sur ce support de méditation, c’est ce que l’on appelle la vigilance. Grâce à elle, nous développons une qualité de présence qui nous aide à être plus conscients de nous-mêmes. Cette vigilance va nous conduire à ne pas suivre les différentes idées qui s’élèvent dans l’esprit. A chaque fois, il faudra revenir au support. On continue comme cela aussi longtemps que possible, selon le temps dont on dispose et selon notre capacité.
Le sens de la méditation
Le sens profond de la méditation, c’est la non-distraction de l’esprit, indissociable d’une véritable présence. L’esprit n’est pas emporté, ne suit pas tous les mouvements (les images, les concepts, les idées, les souvenirs, etc.) qui en permanence le traversent. L’esprit est en même temps parfaitement conscient, présent à lui-même et au monde, et ne perd pas le fil de cette conscience.
Cette non-distraction, cette présence consciente permet à l’esprit de développer une clarté qui nous conduit à entrer de plus en plus intimement en contact avec notre nature de sagesse.
Nous nous exerçons à ne pas être interrompus, distraits, emportés par tout ce qui s’élève dans l’esprit. Cela ne signifie pas que nous cherchons à nous échapper de l’environnement extérieur ou à nous fermer à notre réalité intérieure. Nous restons réceptifs à tout ce qui apparaît dans l’esprit, comme à tout ce qui est perçu par nos cinq sens : les formes extérieures, les sons, etc. Nous accueillons toutes ces sensations sans les rejeter, dans un état de vigilance dépourvu de tension.
Le terme « méditation » recouvre le concept suivant en tibétain : demeurer avec ce qui est dans un état pacifié.
L’objectif est donc de faire en sorte que l’esprit ne soit plus distrait par les habitudes et les chemins tracés qu’il emprunte automatiquement. Les pensées continueront de s’élever dans l’esprit selon le mouvement imprimé par nos tendances, il n’est pas question de les éradiquer ni de les bloquer, mais de ne pas les suivre.
Pratiquer une méditation juste permet de récolter, à terme, le fruit juste. « Juste » ne signifie pas ici positif. Si la méditation que nous pratiquons est authentique et que nous l’utilisons de façon appropriée, nous récolterons le fruit approprié qui est ultimement la réalisation de l’éveil et temporairement un mieux-vivre en tant qu’être humain.
L’entraînement au quotidien
Lorsque s’élèvent les émotions perturbatrices, la clarté de notre vision les met au jour, et elles s’apaisent d’elles-mêmes. D’ordinaire, nous suivons nos impulsions et le cours de nos émotions (colère, orgueil, jalousie, attachement, etc.), et c’est précisément cette réaction et cette identification à nos émotions qui suscite toutes les tensions de l’esprit. Grâce à la méditation, notre regard se fait plus précis, nous ne rejetons pas l’émotion, nous ne la supprimons pas, mais, grâce à notre lucidité, nous sommes beaucoup moins « pris » et entrainés par celle-ci ; la tension diminue et notre liberté augmente.
D’une manière générale, plus notre lucidité se développe et plus nous comprenons notre fonctionnement intérieur, basé sur un mouvement « actions-réactions ». En d’autres termes, nous réagissons aux stimuli extérieurs, notamment aux actes et aux paroles d’autrui. Dès lors, nous ne sommes plus aussi convaincus de notre bon droit et nous ne rejetons plus systématiquement la faute sur les autres. Nous comprenons d’une manière juste leur propre fonctionnement intérieur, car il est semblable à celui que nous avons décelé en nous-mêmes.
Pour que tout devienne plus facile, une méditation quotidienne est nécessaire. C’est quelque chose de très simple et en même temps de très efficace. Même si au début, cela peut être un peu difficile, le fait de s’y habituer par une pratique continue rendra l’exercice plus facile.
Il est important de voir que ce que l’on fait dans la vie va vraiment de pair avec la pratique. On amène le sens de la pratique dans notre façon d’agir. C’est seulement en s’y appliquant régulièrement qu’une compréhension très profonde des choses et de vrais résultats positifs pourront émerger. Le sens de la pratique méditative doit être amené dans notre vie quotidienne et dans notre façon d’agir. Seule une application régulière permet une compréhension profonde des choses et l’émergence de résultats vraiment bénéfiques.
Si nous manquons de temps pour nous entraîner à la méditation, il est possible, juste avant de commencer une activité, de prendre un instant pour poser l’esprit. Avec un entraînement quotidien, ces courts moments de méditation nous offrirons un réel espace d’introspection et de réflexion qui augmentera notre capacité de clarté.
La technique n’est qu’une technique
Pour aider à l’accomplissement du processus méditatif, il existe diverses méthodes. On peut choisir n’importe quel support, mais la pratique la plus simple est d’utiliser sa respiration et de focaliser son esprit dessus.
Il s’agit de compter 21 inspirations et expirations. L’esprit ne doit pas se laisser distraire, il faut rester concentré. Il est donc nécessaire, dans un premier temps, de savoir comment demeurer dans cette concentration, et pour cela comprendre comment l’esprit est perturbé. Une fois le mécanisme compris, nous pouvons alors mettre en œuvre les moyens pour ne pas être submergés par les distractions ; en d’autres termes, nous développons une qualité de présence. Sans la reconnaissance du mécanisme d’apparition des pensées dans l’esprit, il n’est pas envisageable de se défaire du ressac de nos habitudes. La conscience offre à l’esprit l’opportunité d’éviter la distraction.
Nous effectuons un cycle de vingt et une respirations complètes : nous inspirons, puis expirons en marquant une pause. Nous procédons ainsi vingt et une fois en étant très conscients du déroulement de chacune des respirations. Bien entendu, il est recommandé d’allonger ces sessions dès que nous nous en sentons capable. Il est bon également de multiplier les sessions au cours d’une même journée.
La conscience offre à l’esprit l’opportunité d’éviter la distraction. Ce résultat exige des efforts et de la patience ; une fois un premier degré de conscience développé, l’entraînement consiste à augmenter la période de concentration. Nous commençons par de courtes périodes de méditation, puis, à force de régularité, la durée des sessions pourra être allongée, l’idée étant de demeurer absorbés le plus longtemps possible afin de révéler notre sagesse. Les instructions ne peuvent être intégrées que si l’esprit est clair, c’est-à-dire s’il peut rester concentré sans être perturbé par ses schémas émotionnels habituels.
De l’entraînement émerge une pratique de plus en plus naturelle. Ainsi, une fois arrivé à 21 respirations, nous en comptons de plus en plus, toujours avec la même qualité d’absorption. Une personne avec une certaine expérience de pratique peut tout à fait rester concentrée pendant plusieurs milliers de respirations.
Un néophyte dans le domaine de la course à pied qui s’engage à courir dix kilomètres sans aucun entraînement préalable sera vite à bout de souffle. En revanche, un sportif entraîné, qu’il soit jeune ou plus âgé, trouvera immédiatement son rythme et parcourra la distance sans problème. Tout provient d’une habitude initiale et la méditation n’y échappe pas. Lorsque l’on prend l’avion, le décollage est toujours un point critique, mais une fois en vol, les difficultés disparaissent. La méditation fonctionne de même.
La façon d’utiliser le support de la respiration consiste à ne pas trop conceptualiser, comme le fait de commenter sa méditation, et à ne pas se focaliser avec trop d’intensité. Il s’agit juste de rester sur la respiration et si l’esprit suit les idées, revenir à la respiration.
Mais nous ne devons jamais perdre de vue que la technique n’est qu’une technique, et que ces exercices n’ont qu’une seule finalité : permettre, à travers le maintien d’un état de vive conscience, que notre esprit se clarifie et qu’émerge notre potentiel de sagesse. Et, de fait, un changement va progressivement survenir en nous.
Habituellement, quand on commence quelque chose de nouveau, on veut le faire absolument correctement, par peur que cela crée des problèmes dans le cas contraire. Cette attitude n’est pas nécessaire. Nous n’avons pas à nous inquiéter, mais au contraire, il nous faut laisser le processus se faire tout naturellement. Ainsi, on pourra méditer de plus en plus longtemps.
Il faut veiller à ne pas bloquer l’esprit par une méditation trop tournée vers l’intérieur. Quand il est bloqué, il n’est plus vraiment présent à ce qu’il fait ; il est dans la torpeur. Dans ce cas, la distraction vient de l’intérieur. Il s’agit alors de ramener l’attention en lien avec un niveau de compréhension plus profond ; cela va remédier au problème. Puisque le but est de comprendre et d’intégrer la nature de Bouddha, c’est cette présence qu’il convient de développer. Elle doit être préservée dans la durée tout en étant actualisée d’instant en instant jusqu’à ce que nous soyons tout à fait détendus et à l’aise dans la méditation.