Détente et clarté

Jigmé Rinpoché

Quand l’esprit est très clair, notre perception de son fonctionnement est très aiguë. Nous percevons alors avec précision ce qui empêche la véritable détente, la détente qui est une qualité de notre vraie nature. Bien que la nature de bouddha soit déjà présente en nous, nous avons aussi en nous l’habitude de la saisie d’un soi. De ce fait, même si aucune circonstance ne vient nous troubler, nous ne sommes pas vraiment détendus. Généralement, nous ne savons pas pourquoi. En réfléchissant, nous pouvons voir que c’est à cause de la saisie d’un soi.

Nous cherchons tous à être heureux, mais ce bonheur nous échappe car nous n’arrivons pas à utiliser dans l’activité quotidienne la clarté que nous expérimentons dans la méditation. Notre esprit est encore en proie à la distraction et nous manquons d’ouverture, de disponibilité aux choses, de détente. La détente est l’apaisement de l’esprit par la compréhension de l’essentiel.

Prenons un exemple. Nous attachons beaucoup d’importance à notre corps. Dès que nous ressentons une forte douleur, nous paniquons. Surtout si nous n’en connaissons pas la cause. Par contre, si, en proie à une grande souffrance, nous apprenons que nous n’avons rien de grave, nous nous détendons car notre inquiétude a cessé. Cette détente provient de la compréhension. Compréhension que, fondamentalement, rien n’est vraiment dérangeant pour l’esprit.

Quand l’esprit est très clair, il faut encore éviter de se laisser piéger en saisissant la clarté. Nous risquons en effet de figer cette clarté, de nous y attacher. Et de nouveau, l’attachement à la clarté empêchera la véritable détente.

Quand nous essayons de voir totalement, de comprendre complètement ce qui a lieu en nous – les distractions et les perturbations de notre esprit – une détente mentale prend place. Tant que nous n’aurons pas réalisé l’éveil, il y aura des perturbations. Mais ces perturbations étant impermanentes, elles n’ont pas grande importance. Cette compréhension va nous empêcher d’être pris dans les situations. La clef de la détente c’est de combiner conscience et clarté.

Les émotions perturbatrices surgissent dans certaines circonstances. Ces circonstances vont donc nous révéler nos émotions. Si nous essayons d’éviter les situations, les émotions, bien qu’étant au fond de nous, ne se montreront pas. Mais la véritable détente ne s’obtient pas en se cachant dans un coin pour être tranquilles parce que, même si nous pensons que nous y sommes paisibles et sereins, en fait, notre esprit n’est pas vraiment en paix. Par contre, étant en plein dans l’activité, si nous essayons de comprendre ce qui se passe, dés qu’il y aura compréhension, il y aura détente. Détente ne veut pas dire absence de mouvement et d’action. La détente s’applique à notre esprit.

Sans aucun jugement, essayons de voir comment nous fonctionnons. Faisons cela sincèrement, sans hésitation, sans essayer de fuir, sans utiliser des méthodes artificielles pour nous calmer. Essayons simplement de voir qui nous sommes. Pour cela, il n’y a rien à changer. Si nous essayons de modifier notre comportement, cela restera artificiel et de courte durée. L’esprit, lui, restera le même. Par contre, si nous regardons de façon très naturelle, nous pourrons voir très clairement. Ne jugeons pas, contentons-nous de regarder. Juger veut dire : essayer d’éliminer, condamner, fabriquer.